Conflit avec le Pape

Vous savez tous que le langage diplomatique est un langage codé où des expressions telles que "l'entretien fut franc et cordial" signifie que les parties se sont balancés leurs 4 vérités à la tête, mais sans toutefois en venir aux coups et aux horions. C'est dire si c'était chaud entre Charles VIII (roi de France) et le pape Alexandre VI (un Borgia) en 1496, à propos de territoires italiens que notre bon roi voulait s'approprier. Voici quelques extraits récupérés dans "Trésors et Secrets du Quai d'Orsay"

Texte lu par l'ambassadeur du Roi de France devant le Pape :

[...] Charles VIII nous envoie devant vous, de nouveau, il nous a ordonné de vous avertir que ce n'est plus le moment de vous opposer à ses volontés, que si après avoir tenté tous les moyens, nous ne pouvons rien obtenir, nous vous dénoncions la guerre à vous et aux votres.
[...] Ne croyez pas que cette nation qui souvent mit en danger et sens dessus dessous ces Romains déjà parvenus à un haut point de gloire, qui renversa leur ville, qui mit en déroute l'armée jusqu'alors invincible de ces maîtres du monde, qui vainquit Lucius Papirius, Torquatus, les illustres Fabius et tant d'autres généraux ; ne croyez pas, dis-je, que cette nation puisse jamais redouter de lâches prêtres qui, nourris dans la molesse et la débauche, redoutent et ont horreur de la guerre. Pouvez-vous espérer vous et vos complices efféminés que vous pourrez seulement regarder en face nos troupes sous les armes rangées en bataille, dont l'approche, le choc ou l'attaque eût rempli d'effroi Camille, Marcellus, Scipion l'Africain lui-même ?
[...] Comment des hommes séduits par les amorces de la volupté qui vivent au milieu de la plus honteuse prostitution supporteront-ils ce spectacle ? Vos yeux se détourneront, Alexandre ! Même au premier choc. Par des prières tardives vous vous adresserez à l'Eternel. Lorsque vous entendrez le bruit des armes partout autour de vous, vous demanderez la paix qui si souvent vous fut offerte. Le roi irrité vous la refusera, quelles que soient d'ailleurs les conditions humiliantes auxquelles vous vous soumettriez pour l'obtenir. [...]

C'est envoyé, non ? Mais l'ambassadeur ne devait pas être à l'aise dans ses brodequins !

La réponse d'Alexandre n'est pas mal non plus dans le registre tout en finesse et en délicatesse :

[...] souvent nous avons ouï que la personne des ambassadeurs doit être sacrée. Si nous ne savions que nos prédécesseurs n'eussent tenu cette maxime pour constante, déjà nous vous eussions fait arracher du gosier cette langue impie et scélérate qui contre nous vient de vomir tant d'injures ; mais notre modération, notre piété surmontera notre juste indignation.
[...] Autant en emporte le vent, c'est le propre de votre nation. Vains et orgueilleux, vos oeuvres hélas ! ne ressemblent en rien à vos pompeuses paroles : car tout en rappelant les beaux exploits, le courage et la valeur de vos ancêtres, ce souvenir pour vous est plus honteux que glorieux, vous ne reçutes d'eux que le nom. Cette gloire, cet honneur, ce courage qui fut leur partage sont morts avec eux et renfermés dans leurs tombeaux. Oui tout le monde l'avouera, vos ancêtres furent de vaillants coqs et leurs neveux de misérables poules.
[...] Malheureusement, nous ne voyons plus de Camille parmi nous, mais où trouver un Brennus parmi vous ? Vous qui mettez votre gloire à vivre au milieu de la plus sale crapule, de l'impudicité et du libertinage, voila les arts où vous excellez.
[...] Séditieux en paix, mous et éfféminés dans la guerre ; pompeux et vains en superbes paroles avant l'action, poltrons et sans courage sur le champ de bataille.
[...] Vous venez, vous vous avancez avec aisance et gaîté, mais un seul jour vous suffit pour reparcourir, en fuyant, le chemin que vous avez fait en quatre jours en venant. [...]

C'est beau comme les discours de Bush et de Saddam Hussein il y a quelques années !