Loi du nombre
Amsterdam, paradis des cyclistes ... image bucolique de Hollandais et Hollandaises écologistes, perchés sur leur vélo noir, le sourire aux lèvres, déambulant tranquillement et en souriant le long des canaux.
Tu parles, Amsterdam, c'est 600.000 vélos pour 740.000 habitants, c'est-à-dire que tu vois passer un cycliste environ toutes les une à deux secondes. Mais pas en flanant : ce sont des citadins qui vont à des rendez-vous, au travail, au lycée ou chez le dentiste. Comme tous les habitants des grandes villes, ils sont pressés, très pressés, et donc ils roulent le plus vite possible. Ils ne respectent pas les stops, ni les feux rouges. Ils ignorent les passages piétons et ont la sonnette agressive envers le pauvre marcheur qui essaye de traverser alors qu'une horde de vélos passe sans ralentir. Priorité au bipède, connaît pas !
Quant aux zones piétonnes où des panneaux indiquent aux cyclistes qu'ils doivent mettre pied à terre, c'est encore pire : le piéton ne se méfie pas et le cycliste se fout royalement de l'interdiction.
Tu trouves un coin de trottoir où marcher tranquillement : pas de bol, au bout de quelques dizaines de mètres, des centaines de vélos accrochés n'importe comment à chaque bout disponible de grille, de barrière, de poteau occupent toute la largeur du trottoir et t'obligent à descendre sur la chaussée où les cyclistes qui déboulent à toute vitesse dans ton dos te passent au ras des fesses en activant leurs sonnettes et en te jetant des regards noirs.
Tu veux t'accouder sur un parapet de pont pour regarder le canal : tu ne peux pas, il y a des vélos attachés tout le long de la rembarde.
La nuit, c'est encore pire : près des ponts et des carrefours mal éclairés, des vélos sans lumière déboulent de toutes les directions en roulant à la même vitesse qu'en pleine journée. Et puis, pour pimenter la situation, le pédaleur pressé est en grande conversation avec sa copine assise en amazone sur le porte-bagage derrière lui.
Qui ne s'est pas amusé un jour à conduire son vélo sans les mains ? Un peu casse-gueule, non ? Mais vive le portable qui permet au hollandais de téléphoner ou de lire un SMS tout en roulant au milieu de la foule sans tenir son guidon. Ouah !!! quelles sensations !!!
Et je ne parle pas des (très) rares mobylettes de livreurs de pizza : ils roulent comme en France.
On dit les automobilistes parisiens agressifs. C'est vrai : mais s'ils se conduisaient avec leur voiture comme se conduisent les amsterdamers avec leur vélo, ce serait le carnage ! Pourquoi faut-il que dès qu'un groupe est majoritaire, il doive se comporter comme le dernier des sauvages. Effet de meute ? Sentiment d'impunité ? Parce que les autres le font ? Loi du plus fort ? Je lisais dans un guide touristique que la police hollandaise avait arrêté de verbaliser les cyclistes en infraction parce qu'ils étaient débordés. Comment appelle t'on une société où le comportement intolérant et irrespectueux (voire illégal) du plus grand nombre devient la norme ?
Cela dit, la ville est superbe : dommage que ce soit aussi stressant de la découvrir en flanant dans les rues. Marcher en regardant en l'air pour admirer les façades, c'est le suicide assuré.